
Diplômé de Sciences Po Grenoble en 1988, conseiller d’Etat et, depuis 2013, juge au Tribunal de l’Union européenne, Stéphane Gervasoni nous fait l’honneur d’être le parrain de la Promotion 2019.
Vous êtes membre du Conseil d’Etat. Comment devient-on conseiller d’Etat ?
Rien de plus simple, puisque l’avancement au sein du Conseil d’Etat se fait essentiellement à l’ancienneté ! Ce qui fait dire à certains que le plus dur est d’y entrer. Plus sérieusement, je dois reconnaître avoir beaucoup travaillé pendant mes années grenobloises et avoir eu la chance de faire les bonnes rencontres au bon moment. Rien ne me prédestinait à cette fonction : mon milieu familial ne comptait pas de fonctionnaires, je n’avais pas d’attaches parisiennes et j’ignorais tout des codes de la haute administration française. Quant au concours de l’ENA, il était suffisamment impressionnant pour que je n’envisage pas un instant me fixer comme objectif de sortir « dans la botte » de ma promotion. Mais la formation à l’IEP était excellente. En particulier, les encouragements et conseils de Jean-Jacques Roche, alors jeune professeur agrégé de science politique, ont été précieux. Cet enseignant m’a convaincu, dès la deuxième année d’études, de me préparer activement au concours de l’ENA. Et une vraie passion pour le droit public m’a été communiquée par Jean Marcou, Jacques Caillosse et Gustave Peiser. Sans eux, j’aurais probablement choisi une autre voie que celle des concours administratifs. La suite a été affaire d’efforts et de capacité d’adaptation. Les étudiants grenoblois n’ont pas à rougir de leur formation. Il faut dépasser les complexes et faire valoir que le bon air des montagnes, à condition de ne pas trop céder à la tentation des pistes et des cimes, permet une préparation sereine et solide !
Depuis 2013, vous avez repris le chemin de la juridiction européenne ?
Oui, après deux ans au Conseil d’Etat, j’ai eu la chance d’être nommé juge au Tribunal de l’Union européenne, l’une des deux juridictions qui composent la Cour de justice de l’Union européenne. Les juges y sont nommés pour six ans par les Etats membres, sur proposition du gouvernement de leur pays. La nomination se fait après avis conforme d’un comité composé de hautes personnalités et devant lequel chaque candidat aux fonctions de juge « planche » lors d’un entretien qui n’est pas une partie de plaisir. Je viens d’être renouvelé dans cette mission pour un deuxième mandat.
Etes-vous optimiste sur l’avenir du projet européen ?
Le projet a aujourd’hui besoin d’optimisme ! Les grands défis auxquels nos sociétés doivent faire face, qu’il s’agisse du changement climatique, de la régulation financière, de la politique commerciale, de la maîtrise des flux migratoires, du développement économique et scientifique ou de la protection des droits fondamentaux, ne peuvent être relevés dans un cadre seulement national. L’Union peine encore, c’est vrai, à convaincre les citoyens de l’efficacité ou de la légitimité de son action dans ces domaines. Poursuivons les efforts d’amélioration sur ces deux volets !
En somme, heureux d’avoir choisi l’IEP comme premier tremplin ?
Oui, c’est certain. J’encourage d’ailleurs tous les anciens élèves à rester actif au sein de l’Association et à soutenir les élèves issus des plus jeunes promotions. L’esprit de solidarité et le réseau des « alumnis » peuvent aussi beaucoup compter dans un parcours et aider à passer, le cas échéant, des caps difficiles.
Extrait tiré du portrait réalisé par l’Association des Diplômés en 2012 et actualisé le 27/01/2020